L'écriture est-elle une activité solitaire ?
C'est l'image qu'elle véhicule tant dans son processus - seul à sa table de travail - que dans la façon dont elle est reçue - seul, plongé dans le livre à découvrir -. Pour autant, l'écriture s'épanouit aussi dans le collectif, celui des groupes d'ateliers d'écriture où chacun découvre, au fil des propositions, de nouveaux terrains de jeux. Mais de nouvelles formes de coaching d'écriture collectif émergent : l'appui d'un groupe en mouvement vient alors supporter la création et la réception d'un projet d'écriture en cours.
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La peur de l'isolement
Récemment, une cliente m'expliquait qu'elle avait des réticences à s'engager pleinement dans un projet d'écriture, par peur d'un certain isolement social, l'écriture étant souvent considérée comme peu porteuse de contacts, une occupation solitaire, voire austère.
Dans sa matérialité, l'écriture requiert en effet un minimum d'espace, de silence et de concentration et peut légitimer une telle vision des choses. On pourra difficilement écrire au milieu d'une réunion de famille, ou dans le rayon fruits et légumes de Carrefour, ou à la cantine du boulot...
Mais si l'on y réfléchit, il en est de même pour la danse, la peinture, les arts martiaux, la musique etc...L'isolement est nécessaire. C'est la condition pour imaginer une chorégraphie, chercher les harmonies musicales, répéter un geste jusqu'à en avoir la maîtrise. Ce temps d'isolement n'est pas perçu comme un temps d'exclusion sociale, mais accepté comme une étape du processus.
Alors pourquoi est-ce différent pour l'écriture ?
Selon moi, ce qui diffère dans l'image que véhicule l'activité d'écriture, c'est au niveau du partage de ce qui est produit : même si on n'est pas une star, on peut danser sur scène, on peut jouer dans un concert, exposer dans une galerie, un centre culturel. Pour l'écriture, cette "sociabilisation" est plus complexe : dédicace en librairie, lect ures en bibliothèque restent souvent réservées à des auteurs "reconnus". Je me rappelle également les spectaculaires lectures de Proust et Céline par Fabrice Lucchini dans les théâtres, par exemple... Mais il y a très peu de lectures ouvertes aux textes inconnus, mis à part pour les genres spécifiques du slam ou du conte.
Interagir, enfin
La voie de sociabilisation des textes écrits passent souvent par un média supplémentaire : la publication, sur les réseaux sociaux, les plateformes d'écriture, l'auto-édition ou le graal de l'édition traditionnelle. Par là, il est possible d'être lu et de lire l'autre, d'interagir enfin.
Il y a peu de place pour la lecture directe d'une production, en présence des autres, avec son accueil vibratoire, cet échange d'énergie entre celui qui lit et celui qui écoute. Il manque, à mon sens, des espaces de sociabilisation de l'écriture, qui ramènerait celle-ci à ce qu'elle est, un art connecté à la vie, au quotidien, et non une activité isolée. C'est tout l'enjeu, à mon sens, de la qualité de l'offre proposée par les coachs littéraire et profesionnels de l'écriture. Au-delà de l'accompagnement individuel, quels nouveaux espaces collectifs d'écriture inventer pour permettre à chacun d'aller plus loin ?
Le contact avec les autres
Pour autant, si se pose la question d'espaces de réception des textes, dans bien des cas, l'écriture démarre par le contact avec les autres, notamment dans les ateliers collectifs, tels qu'ils peuvent êre proposés par les animateurs d'ateliers d'écriture dans des cadres très différents. A titre personnel, si je suis beaucoup intervenue en bibliothèques ou dans des milieux universitaires à mes débuts, force m'est de constater la multiplicité des demandes d'intervention dans des lieux nouveaux où l'écriture créative n'avait pas sa place (foyers de jeunes filles, relais d'assistants maternels, CCAS...). Les choses changent, l'écriture se fraie un chemin, chaque petit pas est un pas pour sortir l'écriture de la tour d'ivoire où on l'a enfermée.
La sociabilisation de l'écriture prend tous son sens dans les ateliers d'écriture collaborative où le principe est d'écrire une histoire en commun, et où le matériau individuel se dépose au sein d'une trame commune, qui dépasse la "somme" des textes de chacun.
Bonjour mon frère, bonjour ma soeur,
Comment va ta douleur ?
Ainsi commence le prologue proposé par l'écrivain Marc-Alexandre Oho Bambé, construit à partir d'extraits juxtaposés de son roman Les lumières d'Oujda (Calmann-Lévy, 2020). C'est à partir de ce prologue que j'ai eu l'occasion d'animer de février à mai 2022 un atelier d'écriture collaborative avec des seniors de Tassin la Demi-lune.
Il y est question de deux jeunes rappeurs en quête d'avenir, Yaguine et Fodé, référence évidente à Yaguine Koïta et Fodé Tounkara découverts dans le train d’atterrissage d'un avion de la Sabena Airlines en provenance de Conackry, morts de froid, le 2 août 1999 à l'aéroport international de Bruxelles.
Il est surtout question d'un rêve, celui d'atterrir où bon nous semble.
Le projet, coordonné par la Villa Gillet, en amont du Litterature Live festival (anciennement Assises internationales du roman) s'est étalé sur 6 séances. 6 séances pour écrire un texte individuel, à partir d'une collecte de mots, puis construire une trame commune, puis écrire en sous-groupes pour développer des pans de l'histoire. Puis lisser et harmoniser le texte pour faire choeur et aboutir à cette lecture partagée le mercredi 18 mai, à l'antenne de Villa Voice, la webradio du festival, en présence de l'auteur (nb : le sujet qui nous concerne démarre à 29'47'').
Une démarche entre individuel et collectif, entre production et écoute, dans le moment présent, en constante interaction.
L'appui d'espaces collectifs d'écriture
Les freins à l'écriture sont multiples : manque de temps, peur de ne pas écrire ce qui va plaire au public, niveau de vocabulaire, relents d'échec scolaire etc.... Mais il y a aussi des freins externes : se décourager car il n'y a pas d'espace pour écouter ce qu'on a à dire, personne pour réagir, personne pour nous permettre d'aller plus loin, plus profond, pour nous aider à faire mieux, à faire juste, à nous dépasser ou simplement à nous trouver et à nous faire confiance.
Alors multiplions ces espaces, dans nos vies réelles et pas seulement nos identités virtuelles : parlons de ce que nous écrivons, des projets qui nous traversent, partageons nos textes même s'ils sont imparfaits, faisons-les exister, évoluer, dialoguer. Accordons à ces morceaux de nous autant d'importance qu'une balade au grand air, un voyage lointain, l'entretien de nos maisons, de nos véhicules, ce que nous mettons dans nos assiettes.
Faisons de l'écriture un art de vivre ensemble.
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