Dans l'article Entrer en écriture par la nouvelle, j'évoquais les débuts de mon parcours avec les mots.
Aujourd'hui, comme promis, je te parle de l'étape d'après, mon premier recueil de nouvelles en solo, De si petites ailes, publié en 2017 aux Editions sur le Fil.
Paradoxalement, cet article n'a pas été facile à écrire. J'étais partagée entre me focaliser uniquement sur les différentes étapes techniques de l'aventure ou plutôt te faire ressentir ce que cela a provoqué en moi, avec sincérité.
Et puis, j'ai choisi.
Alors, rassure-toi, je ne vais pas te raconter une success story, qui te fera baver d'envie et ranger tes crayons au fond du tiroir. Ce sera le partage d'une expérience d'écriture et de vie, mêlées, comme la lumière à l'ombre.
De si petites ailes est composé de nouvelles, micronouvelles et de fragments poétiques. Une partie de l'ouvrage a été écrite à l'occasion d'un congé parental que j'ai pris quand ma fille est entrée à l'école en 2007. Puis une autre partie, au fil des années, jusqu'à la mise au point d'un recueil d'environ 20 textes.
Comme tu vois, il s'est écoulé une dizaine d'années entre le début de l'écriture et la mise au point d'une forme semi-définitive qui m'a paru "publiable".
Je ne suis pas une rapide.
J'ai alors envoyé mon "bébé" à des éditeurs acceptant les manuscrits par mail, n'ayant pas les moyens d'envoyer des exemplaires papier. A l'époque, je venais de créer mon entreprise d'accompagnement à l'écriture et, comme on dit fréquemment, "je n'en vivais pas".
Je m'attendais à devoir patienter de longs mois avant d 'avoir un retour mais, peu de temps après, j'ai une réponse positive des Editions sur le Fil, un petit éditeur indépendant basé à Carqueiranne (83).
Comme tu l'imagines, je passe par l'enthousiasme et l'excitation de rencontrer l'éditeur qui entre en résonnance avec mon écriture, et c'est un grand moment !
Après la signature du contrat en mai 2017 et jusqu'en août 2017, s'ensuit un dialogue artistique et un travail de réécriture en lien avec l'éditrice, Maryline Martinol.
C'est une phase marquante, intense, où le manuscrit initial, qui a attiré l'oeil de l'éditrice, s'affine au gré de ses remarques et suggestions. J'ai vraiment eu la sensation d'être accompagnée là où je devais aller. Il me paraît important de partager ici quelques extraits des mails échangés pour rendre compte de cette collaboration :
(Maryline) J'ai été très, très émue par Le sens de la marche. Superbe. (King Kong aussi.)
Pour Boîte noire, je pense qu'il faudrait affiner encore un peu.
(Moi) J'ai repris le texte en intégrant vos questionnements/remarques. Cela n'a pas été simple, je l'avoue, mais cela m'a permis de réellement développer le texte (de 4 à 9 pages).
En approfondissant, j'ai encore changé d'optique dans la "genèse" de la pathologie du tueur. Cela me semble moins cliché (enfance malheureuse qui explique la psychose...) tout en restant crédible quoiqu'un peu "mystique". Le travail sur l'univers de la joaillerie m'a également permis d'être plus précise sur les "oeuvres" réalisées.
Je trouve cela superbe, un travail d'orfèvre ! Glaçant comme il faut, et l'ensemble se tient,
c'est cohérent, précis et sans pathos, tout à fait à l'image du personnage.
Ça me plaît ! En êtes-vous contente ?
Merci pour votre retour.
Oui, je suis contente du résultat et d'avoir poussé le texte plus loin, grâce à votre aide.
Cela m'encourage bien sûr pour la suite.
Je vais me pencher sur 1+1 et Le fruit du hasard, qui sont des chantiers plus vastes car la structure est plus faible, et il y a donc de multiples possibilités de réécriture. Laquelle choisir ? Je vous enverrai les amorces et vous me direz si je suis sur une bonne piste...
A suivre !
[à propos de Le fruit du hasard]
Je trouve cela très bien ainsi, il y a une musique, une histoire venue de (très) loin et qui résonne encore,
quelque chose de tout simple et de beau (de vrai). Là, je ressens ce que vous dites. (...)
Je pense qu'il ne faut rien de plus. Je vous relirai à nouveau demain matin
(là je suis sur un marché pour vendre nos livres et les gens commencent
à arriver, les cigales s'égosillent et les musiciens accordent leurs instruments).
À très vite !
Et puis, "l'enfant paraît", le livre sort, en octobre 2017.
Une dédicace en librairie, un salon, une diffusion dans le réseau des proches, des retours positifs. Je suis sur un nuage de bonheur, j'ai la sensation d'un aboutissement et qu'une nouvelle page de ma vie est en train de s'écrire.
Mais la dynamique s'essoufle vite. Malgré sa bonne volonté, l'éditeur est loin et n'a pas le personnel nécessaire pour organiser une réelle promotion du livre. Je ne suis pas "connue" du monde de l'édition, je n'ai pas de contacts particuliers dans la presse et je tente de faire connaître mon livre en librairie ou en bibliothèque, avec un succès limité.
"C'est bien écrit mais la tonalité est trop sombre.
Cela ne conviendra pas au public de la librairie"
Une libraire
Et ce qui constituait mon monde depuis plusieurs mois, ce que je brûlais de partager, se heurte à ce que je perçois comme de l'indifférence. Un difficile retour au calme que je vis comme un rejet.
Je suis blessée par cet argument de "tonalité trop sombre". Qui, bizarrement, n'a pas lieu d'être quand il s'agit d'acheter Chanson douce (Laila Slimani), Syngué Sabour (Atik Rahimi), Baise-moi (Virginie Despentes) ou encore Sukkwan Island (David Vann), qui, comme on le sait tous, sont des histoires poilantes.
En 2021, sur ce blog, j'ai d'ailleurs l'occasion de mettre des mots sur cet accueil du livre dans l'article Ecrire depuis l'ombre.
Et je continue. Je cherche de tout côté un soutien, une validation. Je me dis : "ce que l'éditeur a vu, perçu, pourquoi eux ne le voient pas ?". Je me heurte aussi à des procédures qui limitent d'emblée la voix qui s'élève dans un livre au champ de notoriété de l'éditeur, celui qui le "fabrique" et le rend palpable.
"Votre éditeur ne fait pas partie
des éditeurs référencés dans notre politique documentaire.
Si vous voulez, vous pouvez faire un don au fonds local."
Une bibliothécaire
OK. D'accord.
Alors, une autre spirale s'enclenche. Je commence déjà à penser au livre suivant. Celui qui me permettrait d'aller plus loin, d'enfoncer la porte, d'être "reconnue" dans mon identité.
Je m'atelle à un roman dès l'été 2018, roman que je remanie sous différentes formes, passant d'un projet à un autre, dans une course angoissée et impérative. Angoissée car impérative. Et qui ne rencontre pas l'aval de mon éditrice, pas convaincue. Je veux que ça plaise, je veux que ça passe la porte étroite. Et je me perds dans les multiples versions d'un projet qui, paradoxalement, n'est finalement pas le mien.
Car derrière cette quête, il y a d'autres blessures, bien plus anciennes, à guérir.
Cette phase est parallèle au moment où mon entreprise d'accompagnement à l'écriture se développe et où l'écriture des autres passe rapidement avant la mienne, où "faire écrire" passe avant "écrire". Je découvre comment je me nourris de cet accompagnement et comment "faire écrire" m'apporte une forme élevée d'accomplissement et de bonheur.
Grâce à toi, à ton désir d'écrire, je construis mon identité. J'ai la sensation de contribuer à ma façon en t'aidant à amener au monde de la beauté et du sens, à travers des fictions mais aussi des histoires de vies et des parcours parfois douloureux.
Comme pour enfoncer le clou, un évenement récent remet tout cela à plat : le 16 juin dernier, je suis victime d'un vol lors du pot de fin d'année d'un atelier d'écriture. On me dérobe mes papiers, mon téléphone, ma sacoche contenant mon ordinateur et mon disque dur sur lequel sont sauvegardées toutes les archives de mon entreprise et...la dernière version de mon projet d'écriture en cours.
Je suis sidérée. Engluée dans les tracasseries administratives qui remplissent alors mon quotidien personnel et professionnel. Destin ? Karma ? Signe de l'univers ? Au fur et à mesure, en épluchant mes anciens mails, je récupère des bribes de ce travail, d'autres plus anciennes, je relis des choses d'un oeil neuf, des idées arrivent, de l'envie, du désir.
J'ai envie de recommencer, mais autrement. Pas pour être "aimée" ou "comprise".
Essayer d'écrire comme un cadeau que je me ferais à moi-même, et qui te donnerait, à toi aussi, l'envie de commencer.
J'ai voulu partager cette expérience, car, parmi d'autres, elle me permet de t'aider sur le parcours d'écriture et d'édition que tu souhaites emprunter, avec réalisme et honnêteté. Elle nourrit mes accompagnements individuels.
En savoir plus sur l'atelier d'écriture Sylvie Gier sur la page d'accueil
S'inscrire à la newsletter de l'atelier
Écrire commentaire
Clémence (vendredi, 18 novembre 2022 14:11)
Merci pour ce partage super intéressant et touchant !
Sylvie (vendredi, 18 novembre 2022 19:22)
Merci Clémence ! Cela a été l'occasion d'un vrai arrêt sur image pour mettre des mots sur des sensations fugitives ou mises trop rapidement sous le tapis. Pas simple, mais heureuse que ça résonne pour toi.