Après avoir englouti les 6 premières saisons de The Vampire Diaries (1), j'ai du me rendre à l'évidence.
1 - j'étais devenue une véritable junkie, shootée au cliffhanger (2).
2 – regarder des séries était définitivement incompatible pour moi avec des nuits de sommeil de 8h.
3 – les scénaristes avaient conçu une analogie très puissante pour expliquer comment trouver des idées pour écrire.
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Cela ne m'est pas apparu tout de suite, c'est vrai. Il m'a fallu 6 saisons, trois super-méchants, un dizaine de transformations en créatures non-humaines, deux ou trois voyages dans des mondes-prisons parallèles et pas mal de nuits blanches. Mais en retraitant les épisodes engloutis en une bouchée, comme ces délicieux nounours à la guimauve recouverts de chocolat – oui, vous voyez de quoi je veux parler -, j'ai enfin réalisé que pour pratiquer un sort, il était souvent nécessaire que le sorcier ou la sorcière s'ouvre la main pour faire tomber quelques gouttes de sang sur un objet magique supercool, une sorte de boussole argentée, une vieille pierre gorgée de la magie d'une sorcière antédiluvienne ou tout autre artefact du même acabit.
Qu'importait la beauté de l'objet magique, son ancienneté, son caractère précieux, c'étaient bien ces quelques gouttes de sang, et elles seules, qui allaient permettre la réalisation du sort, l'accomplissement plein et entier du ressort magique. Et là, cela a fait un déclic avec mes séances de coaching littéraire.
"Mais je ne comprends pas, ce que je viens d'écrire, cela ne suffit pas à faire une histoire ??? "
"Vous voyez, j'ai évoqué tel épisode, retracé tel événement, tout est bien expliqué, qu'est-ce que je dois dire de plus ? Je n'ai pas d'autres idées pour écrire ".
Et moi, j'insistais dans mes demandes d'enjeu du texte, d'angle d'attaque, de fil conducteur du récit...
Je leur expliquais que, moi, leur histoire ne me racontait rien. Que rien ne se passait en moi, dans mon corps, même si c'était parfaitement bien écrit, au niveau de la correction de la langue. Oscillogramme plat. Zéro. Nada.
Qu'il manquait "quelque chose".
A certains, cela parlait. A d'autres, je voyais bien que non. Que cela résistait à l'intérieur. Je me demandais pendant des heures comment leur faire comprendre ce que je voulais dire. Alors que tout était là, dans quelques kilomètres de pellicules américaines, vues, revues et partagées sur tous les réseaux sociaux. Souvent, les vérités les plus profondes émergent d'un fait extrêmement banal. C'est notre regard qui fait émerger cette vérité.
Ce "quelque chose" qui manquait, c'était ces gouttes de sang symbolique, ce concentré de nos émotions les plus profondes, les plus fortes, qui devaient irriguer le texte qui s'écrivait. Sans elles, le sortilège ne pouvait s'accomplir. Le lecteur resterait à jamais indifférent aux plus savantes histoires. Hermétique aux plus brillantes constructions. Le problème n'était pas de trouver les idées pour écrire mais d'accepter le risque d'écrire. Risque d'exposer quelque chose de nous. Risque de partager avec l'autre quelque chose qu'on ignorait qu'il pouvait éprouver aussi.
Qu'une seule goutte atteigne le cœur du livre à venir et tout sera transformé.
(1) Série fantastique américaine où se côtoient humains, vampires, sorciers, sosies et loup-garous. Elle a été diffusée de 2009 à 2017 sur The CW aux Etats-Unis. La série est librement adaptée de la série littéraire Le Journal d'un vampire de L. J. Smith.
(2) Un cliffhanger, littéralement "personne suspendue au rebord de la falaise", est, dans la terminologie anglophone des oeuvres de fictions, un type de fin ouverte, laissée en suspens afin de créer une forte attente et de pousser à la lecture du chapitre suivant.
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