Se réparer par l'écriture

En étudiant de plus près la nature des projets d'écriture que j'ai accompagnés ces dernières années, j'ai mesuré qu'une partie des textes dont j'ai soutenu la production avait pour objectif premier de « déposer » une histoire vécue, généralement traumatique. Deuils, maltraitance, mal-être, maladie qui touche celui qui écrit ou un proche, parcours familial heurté...

 

Pour celui ou celle qui vient vers moi avec ce type de projet, il y a l'urgence de se réparer par l'écriture, de rendre concret ce qui est arrivé, de l'incarner dans la matière d'un objet-livre, distinct de soi, comme pour dire au monde et à soi-même : oui, cela est arrivé, cela m'est arrivé.

 

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Et dans cette urgence, je distingue deux paliers. Le stade de l'écriture « purge » où les choses, faits, événements, souvenirs s'écoulent en un flux indistinct. Le texte se fait alors réceptacle, récipient, seau, chaudron où se déverse ce qui est là. Ne parle-t-on pas parfois de « se vider » ?

 

Et puis, les personnes réalisent que le réceptacle, le seau, le chaudron, ne permettent pas de dépasser la rumination du récipient et s'installe la sensation de « tourner en rond ». Que faire alors ? Tout à son tourbillon intérieur, il est difficile pour la personne de marcher et d'avancer seule. Il y a des vents contraires, des peurs. La peur de ne pas savoir écrire à la hauteur de ce qu'on voudrait partager. La peur de ne pas être cru, de ne pas être entendu. La peur de ne pas arriver à faire comprendre ce qui s'est vraiment passé. Quel chemin emprunter ?

 

C'est généralement là que nos routes se croisent.

 

Même si le contenu est autobiographique, le coaching littéraire porte son attention sur la fabrication du récit et permet à l'écriture de mettre de la distance tout en ouvrant un autre espace, un autre positionnement de celui qui écrit par rapport à ce qui est raconté. Est atteint alors le deuxième palier, l'écriture « réparation ». Elle s'écarte, tout en se rapprochant d'une autre façon du cœur de la douleur. Plus possible de juste se rouler en boule dans un coin. Elle modifie l'onde du choc, de la souffrance, la divise, la courbe différemment, la diffracte. C'est un peu comme de passer d'une lumière crue à une boule à facettes.

 

La différence tient à mon sens à ce que ce deuxième palier d'écriture fait rentrer à nouveau l'Autre dans l'équation. L'Autre qui accompagne - le coach, première chambre d'écho de ce qu'on s'est autorisé à dire. L'Autre aussi qui pourrait lire ce texte et y trouver sens et nourriture pour lui-même.

 

Dans ce type de projet d'écriture spécifique, le coaching d'écriture individuel pourrait apparaître comme l'antichambre de la thérapie. Il est évident que ces deux démarches peuvent se compléter dans la formulation de ce qui s'est passé et de ce qui se passe dans le moment présent de la personne qui se raconte. Pour autant, se réparer par l'écriture n'est pas art-thérapie. C'est pour moi une démarche artistique à part entière, qui place celui qui écrit dans les exigences concrètes d'un processus de création, et lui permet de contribuer à éclairer l'autre, en s'éclairant lui-même.

 

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